Deux aimables lectrices des Carnets de Poésie de Guess Who ont échangé ICI il y a quelques temps sur le vieux thème : ‘L’Art doit-il être Beau ? ».
Profond !
Aujourd’hui, je vais jeter un caillou dans la mare des discussions sans fin avec une nouvelle idée : doit-ont comprendre l’Art pour l’aimer ?
Une récente visite au Mamac de Nice m’a ouvert les yeux sur ce grave problème philosophique et j’ai trouvé une réponse personnelle : Non, il ne faut pas comprendre une œuvre artistique pour l’aimer !
Dimanche dernier donc, je me suis rendu au Musée d’Art Moderne de Nice pour admirer la dernière exposition de Richard Long, un artiste anglais à la démarche très étrange.
Depuis toujours Richard Long fait de longues promenades dans la nature et en traçant inlassablement une trace au sol, il crée ainsi une « sculpture éphémère » dans la nature, que parfois il agrémente de cailloux judicieusement placés. Ensuite, il photographie le tout et nous le fait admirer… et parfois va jusqu'à "déplacer sa sculpture" dans l'enceinte d'un musée.
Et c’est ainsi, que vous pouvez admirer au Mamac de Nice un tas de cailloux artistiquement disposés…
Mais sa démarche ne s’arrête pas là, car Richard Long va aussi utiliser de l’argile ou de la boue qu’il va disposer avec les mains sur une grande surface et créer ainsi une autre œuvre d’Art. Ephémère elle aussi, car Richard Long peint sur des murs appelés à être plus tard recouverts de la bête peinture initiale une fois l'exposition terminée.
Bref, je n’ai rien compris à ce qu'il raconte, à ce qu'il veut nous prouver, et j’ai du mal à méditer sur la valeur artistique d’un sentier tracé sur la nature comme celui-ci :
Mais par contre, certaines des œuvres murales que Richard Long a fait exprès sur les murs du Mamac, je les trouve magnifiques, même si ma perception de l’œuvre ne doit certainement pas correspondre à sa démarche d'artiste créateur.
En particulier deux fresques :
Tout d'abord cette spirale de mains occupant tout un pan de mur blanc !
Et ici, mon imaginaire part au galop !
L’artiste a-t-il commencé la spiral de l’extérieur vers l’intérieur ? Son travail représente-t-il un retour vers soi ? Un repli vers son « intérieur » ? Un retour au sein de la matrice protectrice ?
Ou bien, a-t-il commencé sa spirale de l’intérieur, les mains avançant au fur et à mesure de la spirale pour arriver ainsi à sa sortie et se libérer totalement dans l’espace ?
Vaste question… je vous laisse devant la photo pour méditer sur le sujet… du dehors vers le dedans, ou bien, du dedans vers le dehors ?
L’autre œuvre s’intitule White Water Falls, les chutes d'eau blanches...
Elle occupe une salle entière du musée avec un pan de mur en plein milieu, qui lui aussi fait partie de l’œuvre.
Esthétiquement, c’est une magnifique réussite, d’autant plus, qu’en déambulant dans la salle et ses recoins, vous avez l’impression d’être immergé entièrement dans l’œuvre elle-même. Ici, vous êtes presque dans le tableau, vous êtes presque l’œuvre elle-même …
Pendant quelques jours j’ai cherché dans ma mémoire une autre salle de musée qui m’avait donnée elle aussi, cette impression de faire partie du tableau lui-même, d’être dans le paysage.
J’ai mis du temps à comprendre que j’associais cette œuvre de Richard Long avec les Nymphéas de Monet au Musée de l’Orangerie … oui, Monet, et ne criez pas au scandale, c'est vraiment à lui que j'ai pensé en revoyant cette exposition une deuxième fois !
Les chemins de l’Art sont bizarres…
Bref, j’ai adoré, même si je n’ai rien pigé !
PS : comme ce blog ne laisse jamais ses lecteurs sur leur faim, sachez que Richard Long a personnellement opté pour la libération de la spirale comme le démontre cette photo de lui en train de préparer les murs du Mamac à l’exposition.
Quant au côté éphémère de l’œuvre en elle-même, je me permettrais de demander à Richard Long comme se fait-il que cette œuvre figurait déjà dans une exposition londonienne de 2005 comme l’atteste cette photo prise ICI… mais vous me direz que je suis sournoisement matérialiste et que je ne comprends rien à l’Art Ephémère
Bref, à voir au Mamac jusqu’au 16 novembre 2008
Mes filles et moi ne conaaissons rien à l'art, mais nous ressentons des émotions devant une oeuvre et pour nous, aimer l'art c'est cela
Rédigé par : la jd | 26 juin 2008 à 06:19
L'art éphémère? Je me souviens d'une conversation très "bobotte" que j'avais eue avec quelques amis il y a deux ou trois ans. Affirmant que "lart c'est la transmission", que "l'homme a conçu l'art à son image" que "l'homme est transmission" je me suis fait renvoyer illico dans le fossé dont j'étais incidemment sorti. L'oeuvre d'art n'avait pas vocation à durer! Mon cul! (excusez moi) l'art éphémère, pour moi, il ne peut être "qu'accident". Quant à Richard Long, si il nous "ment" en présentant en 2008 ce qui existait déjà en 2005 - et peut-être même avant, allez savoir - c'est tant mieux. Il y a des fois ou des mensonges éphémères ont goût d'éternité. Cette spirale est magnifique. Nous renvoie à LA GROTTE. Aux traces dans le ventre.
Pour le reste:
moi non plus je ne comprends rien aux arbres, aux hommes, aux rivières, aux chemins, à tout cet air qui entoure, nous enveloppe; je n'y comprends rien mais j'aime ça. Ce qui est beau ne nous dit pas toujours son nom. On peut aimer frotter son corps au cours de l'inconnu(e).
amications telegraphroades
dB
Rédigé par : Di Brazza | 26 juin 2008 à 10:00
évidemment je me suis pas relu:
"à tout cet air qui NOUS entoure"
" frotter son corps au CORPS de l'inconnu(e)
amications millezexcuzes
dB
Rédigé par : Di Brazza | 26 juin 2008 à 10:02
agréable de penser que moi la barbare inapte à la philosophie mon instinct m'a ancré depuis longtemps dans l'idée que la compréhension était seconde (peut être une petite cerise tout de même)
et à travers tes photos j'aime aussi
Rédigé par : brigetoun | 26 juin 2008 à 12:25
Voici un sujet qui m'intéresse beaucoup et devant lequel je ne peux demeurer indifférente. Je vais essayer de ne pas être trop "brouillon".
Tout d'abord, Merci de nous faire partager vos découvertes qui sont aussi des coups de coeur.
A votre question "Doit-on comprendre l'Art pour l'aimer"? Je répondrai NON. Cela m'arrange aussi, c'est une réponse facile, je ne suis pas une spécialiste et je ne comprends pas toujours ce que j'aime. Je ne cherche même pas à analyser, je fonctionne aux coups de coeur. Par contre, depuis fort longtemps j'évite d'employer beau ou laid, bon ou mauvais, me contentant de dire "j'aime" ou "je n'aime pas". C'est la sensibilité de chacun qui nous pousse à aller vers quelque chose ou au contraire à le fuir. On pourrait de la même façon demander doit-on pratiquer la musique pour l'apprécier, versifier pour se perdre dans la poésie, savoir rédiger pour aimer la littérature, être bon cuisinier si l'on est gourmand??? Je ne sais quelle sera votre réponse, je dirai encore NON!
Aujourd'hui, je suis attirée par ce nom "Richard Long". Il ne m'est pas inconnu.
Sur le bureau, à côté du PC, est déposé un mémoire rédigé l'an passé, et qui m'a été dédicacé. Le titre "Eloquence de la Trace". La jeune artiste s'est intéressée au travail d'une quinzaine d'artistes (F. Gonzalez-Torres, Guiseppe Penone, Pascal Convert...avec une tendresse particulière pour Richard Long) Pourquoi cet artiste, certainement parce qu'elle même a réalisé une sculpture "Paysages Parcourus" et qu'elle la présente en citant Richard Long "La marche n'est qu'une strate, une marque, déposée sur des milliers d'autres strates de l'histoire humaine et géographique à la surface de la Terre".
Cette jeune femme évoque cette fameuse spirale. Elle ne dit rien au sujet des questions qui vous préoccupent. Elle écrit "Il y a également cette spirale peinte en noir de 4,50 mètres de diamètre sur laquelle Richard Long a apposé 239 fois sa main maculée de boue de la rivière anglaise Avon : River Avon Mud Slow Spiral, réalisée en 2005.
L'empreinte de la main fut d'ailleurs le premier geste pictural de l'homme préhistorique: son appropriation de l'espace, une forme de tag, une façon d'affirmer son existence."
Pourquoi Richard Long, réalise t'il plusieurs fois cette spirale qualifiée d'éphémère? Parce que chaque oeuvre est unique en fait, à chaque fois la spirale est légèrement différente. L'empreinte n'est pas la même, car la main n'est pas posée exactement au même endroit, la trace de boue peut avoir plus ou moins d'épaisseur...donc chaque spirale est une renaissance, une oeuvre nouvelle, mais qui se veut éphémère. Combien de temps peut subsister la boue confrontée aux outrages du temps?
Je n'ai pas les capacités pour analyser l'oeuvre de Richard Long. Dans le mémoire, je peux simplement découvrir qu'il est un des principaux artistes du Land Art. L'oeuvre qui intéresse plus spécialement l'étudiante en Art, se nomme "A line made by walking" -Walking a line in Lappland - Finlande 1983.
Quel est le mode opératoire de Richard Long? Notre étudiante donne quelques renseignements : "Richard Long marche, il enregistre ses marches, le nombre de pas, la distance, le temps, les lieux où il passe. Parfois il marque son passage d'un assemblage de pierres, infime modification du paysage. Parfois, ce ne sont même pas des pierres, mais des bouses de vaches ou de yaks en Mongolie, trace encore plus infime, qui disparaîtra d'ici quelques semaines, dont la seule photo conservera la trace : Herd Dropping (1996). Parfois, il revient au même endroit et défait ce qu'il a fait, il rend sa virginité à la nature..."
Laissons la parole à Richard Long "La nature a toujours été reproduite par les artistes, des peintures rupestres préhistoriques à la photographie de paysage du XXème siècle. Je voulais moi aussi faire de la nature le sujet de mon travail, mais de façon nouvelle. J'ai commencé par travailler à l'extérieur en me servant de matériaux naturels comme l'herbe et l'eau, ce qui a évolué jusqu'à l'idée de faire une sculpture en marchant.
...
Je considère que mes sculptures de paysage occupent un riche territoire entre deux positions idéologiques, en l'espèce faire des "monuments" ou l'inverse "ne laisser que des empreintes de pas".
...
Les pierres peuvent servir de marqueurs du temps ou de la distance, ou exister comme parties d'une sculpture gigantesque mais anonyme..."
Voila, je sais que j'ai été longue, et vous présente toutes mes excuses. J'espère toutefois que cette intervention n'aura pas été complétement stérile.
Bien vu, je trouve pour la comparaison avec Monet! Et merci encore.
Rédigé par : odile | 27 juin 2008 à 06:32
@ ODILE
Vous n'avez pas été longue. Vous avez été intéressante. Reproche-t-on à un chemin de prolonger nos promenades?
Amications biendaccoavecvousses
dB
Rédigé par : di Brazza | 27 juin 2008 à 09:22
Je suis d'accord avec di Brazza,que je salue au passage, aucune longueur en parcourant votre commentaire où je retrouve le style de votre plume.
Merci à notre hôte de nous parler d'une de ses passions l'art en nous questionnant.
Une question, ne sommes-nous pas aussi de l'art éphémère, ne laissant qu'une trace de mains, de pas, sur le chemin de notre vie, vie plus ou moins éphémère ?
Rédigé par : double je | 27 juin 2008 à 14:40
Merci de nous faire découvrir Richard Long...et merci à vous qui commentez.
Des cascades aux saules pleureurs... L'art
juxtapose et relie dans nos esprits des évocations à priori si différentes! Je reste souvent en admiration devant la beauté du cerveau qui sait toucher nos coeurs avant même que nos esprits ne se mettent en marche.
Rédigé par : lou | 28 juin 2008 à 06:05
Je serais plutôt de ton avis : avoir un coup de coeur pour telle ou telle oeuvre. Essayer de savoir le pourquoi du comment ???? J'ai un peu de mal lorsque les artistes veulent se justifier en utilisant des termes typiquement sortis de bouquins, d'écoles "spécialisées", et incompréhensibles. On aime ou pas, on vibre ou pas, on a une émotion ou pas .....
La phrase "c'est quoi votre démarche artistique" me fait fuir.
Bref (comme disait Pépin) j'aime ces mains, elles me font penser aux dessins aborigènes.
bizzzz et bon WE
Rédigé par : marie turpault | 29 juin 2008 à 10:37
interpretation de la spirale : en 2005, Richard Long voulait serrer la main de ses amis mais comme ils avaient tous une gastro, il a préféré serrer les mains de façon indirecte.... voilà l'explication !
(Cette explication n'est qu'un délire.. et j'adore la spirale qui m'a fait pensé il est vrai à cette obligation de faire mimi pour la nouvelle année)
Rédigé par : un petit mot | 29 juin 2008 à 22:36
faire mimi pour la nouvelle année et serrer les mains sont deux occasions de contracter tous les virus ou maladies de passage.
Avec le virtuel, vous ne risquez rien... je vous serre donc la pince et vous fait un gros bisou plein de microbe
Rédigé par : un petit mot | 29 juin 2008 à 22:46
L'art doit interpeller d'une manière ou d'une autre le visiteur. Tout le monde peut être touché par l'art même sans rien y comprendre. Il faut simplement s'ouvrir et laisser entrer les sensations sans a priori, se laisser toucher par les formes, les agencements de couleur, les matières, les rythmes graphiques, le thème développé. C'est une question de beauté et d'émotion. Dans un deuxième temps, on analyse si on le souhaite pour mieux comprendre la démarche de l'artiste.
Dans le Land Art, Richard long est dans la même veine que Andy Goldworthy que j'aime beaucoup aussi. Les dessins que tu montres sont somptueux.
Merci pour ta belle note qui invite à la réflexion. Bonne semaine!
Rédigé par : Ossiane | 29 juin 2008 à 23:23
Je vous remercie tous de votre participation à mes élucubrations artistico-philosophiques, et plus particulièrement Odile et son étudiante qui nous ont apporté une vision intéressante de l’approche de Richard Long (et certainement beaucoup plus intéressant de ce que j’ai pu lire sur le catalogue de l’exposition qui lui était d’une pauvreté navrante.
Bref, je vous ai lu tous avec attention.
Je voulais juste ajouter un mot sur le côté éphémère de l’Art.
Pour moi, l’Art n’est pas un objet, une chose, mais une impression, un sentiment, une réaction.
Et par force des choses, impressions, sentiments ou réactions ne peuvent être qu’éphémères car nous changeons tout le temps.
Une note de musique une fois jouée, n’est plus… on pourra la rejouer, elle ne sera jamais toute à fait la même ni tout à fait différente. Pareil pour un pas de danse … un fois dansé il ne reviendra pas.
Un tableau c’est pareil. Ce qui le rend « Art » c’est l’émotion qu’il provoque en nous, pas son support et sa durée de vie. D’ailleurs ce qui nous émeut aujourd’hui, nous laissera totalement indifférents demain car nous aurons changé …
Meilleure définition de l’éphémère, je ne connais pas…
Rédigé par : Guess Who | 30 juin 2008 à 13:48
j ai lu avec intérêt,
chez vous je vivre souvent, alors j aime votre art d 'écrire, de photographier, de partager, merci.
Rédigé par : Annick | 07 juillet 2008 à 19:28
j'ai peut-être une réponse à ta question:
en visitant des recoins de fyorts intérieurs (en Norvège) j'ai pu admirer des gravures datant de l'âge de pierre dans lesquelles des séries de spirales expliquaient la périodicité des invasions et/ou des pêches; ce qui prouve de manière historique que l'on va du dedans vers le dehors pour le temps mais que c'est pour "rappeler" ce qui nous est venu du dehors...à ce moment là.-- hi hi hi
On retrouve ce symbole chez les proto-celtes et ailleurs signifiant l'eau-delà et origine de...la svastika; quant à l'oeuvre qui intrigue encore de l'antiquité - où s'allient écriture et symbolisme- est le disque de Phaestos (1700 avant JC)-à voir !
bisou, bravo et merci pour le bleu dans tes nuages que le bon vent m'apporte
Rédigé par : Isabelle | 23 juillet 2008 à 11:26
P.S. ça me rappelle aussi que cette spirale est connue de tous par un des plus vieux jeu de la planète: le jeu de l'oie (les épreuves cosmiques)
Rédigé par : Isabelle | 23 juillet 2008 à 11:46