Vous aurez certainement compris depuis le temps, le plaisir que j’ai toujours de me retrouver aux Pays-Bas, de revoir ces gens d’un abord parfois rude, mais qui, dès que le vernis est gratté, se révèle d’une grande générosité et finalement, malgré leur air souvent sévère et rigide, de très bons vivants.
Il fut une période heureuse de ma vie où j’habitais à la Haye, travaillais à Rotterdam et m’amusais à Amsterdam … heureuse et insouciantes années !
J’ai gardé de cette époque, et de mes visites presque quotidiennes des grands musées de ces villes une grande admiration pour la peinture hollandaise du XVII ; l’Age d’Or Hollandais.
Beaucoup de ces tableaux célébraient la puissance et la richesse du commerçant batave. Des mises en scène des puissantes guildes, de beaux portraits de bourgeois ou bourgeoises obèses et bien portants qui font étalage de leurs richesses et de leur puissance…
Le plus bel exemple de ce type de tableaux est sans doute la fameuse « Ronde de la Nuit » ; en y regardant bien, il ne s’agit qu’une mascarade de bourgeois maladroits et peu enclins au sport déguisés en soldats malgré leur peu de dons pour le dur métier des armes. Un jour je reviendrai peut être sur ce tableau et vous ferai voir certains détails qui sont tout simplement hilarants. Tellement drôles et ridicules que les commissionnaires se fâchèrent avec Rembrandt …
Il existait à la même époque un autre genre de tableaux, de dimensions beaucoup plus modestes, et qui eux, vous faisaient admirer la douceur et la tendresse de la vie quotidienne.
Ils mettaient en scène des saynètes charmantes de tous les jours, parfois même assez grivoises : étonnant le nombre de peintures de bordels, de filles de mauvaises mœurs qui ornaient les murs des demeures de ce peuple aux préceptes religieux certainement plus rigides que le catholicisme dénoncé par Luther et Calvin. Etonnant aussi le nombre de servantes dans la peinture hollandaise ... je reviendrai sur la fameuse Laitière de nos yaourths...
Mais aujourd'hui je vais vous parler d'un petit tableau (il fait juste 28 par 32 cm…) qui se trouve au Rijksmuseum de Amsterdam et à côté du quel j’ai passé de nombreuses fois sans y faire vraiment attention ; il raconte l’une de ces situations quotidiennes…
Il est de Jan Steen et s’appelle « L’enfant malade »… probablement j’ai donné attention à ce tableau que le jour où je suis devenu père moi-même …
Le tableau est tout simple : un enfant malade, fiévreux, avachi sur le col d’une femme : on suppose qu’il s’agit de sa mère ou de sa nourrice.
C’est d’ailleurs l’une des rares mises en scène que je connaisse de la souffrance enfantine dans l’art. Il ya certaines nombreuses représentations du massacre des Innocents, mais la maladie et la mort d’enfant est très rare.
Le décor est dépouillé, juste un petit tableau peu éclairé représentant la Passion du Christ. On devine aussi une carte murale, représentation probable des Indes d'ou provient la richesse et puissance du seigneur de la demeure.
Les seules touches de couleur sont la robe de la femme, d'un bleu et d'un rouge éclatant, terribel contraste avec le reste des couleurs ternes du tableau
La femme regarde l’enfant avec l’air doux et caressant : elle se soucie de la santé de cet enfant et essaie d’apaiser ses souffrances par des caresses.
L’enfant, sa vision est bouleversante : la peau est grisâtre, le petit être respire la fièvre et l’abrutissement dus à la maladie. Son regard … son regard est presque sans vie… et suivez le bien : il vous conduit vers le bas, vers l’extérieur du tableau, vers un ailleurs … vers rien … que voit cet enfant ?
Peut être déjà le couloir de la mort ?
Ah ben non, pas le couloir de la mort.
Moi qui croyais que tu écrivais cette note en raison de la p'tite fièvre de Choupi ce matin !... ;o)
Au passage, j'aime aussi les hollandais d'une part pour ces saynètes de la vie quotidienne (les peintres français sont trop prout prout, trop cour royale...), mais aussi d'autre part pour les primitifs flamands et leur sens de la texture (van Eyck...).
Rédigé par : uu | 05 juillet 2007 à 17:46
je n'ai pas la sensation qu'il regarde la mort, peut-être le docteur-boucher ?
Rédigé par : wictoria | 05 juillet 2007 à 21:07
j'aime ce tableau et les Steen et autres (et mais sans rapport avec le sujet énormément les paysagistes). J'ai eu des amis hollandais même si la vie nous a éloignée, et j'ai été reçue dans une famille avec une gentillesse attentive dont je me souviens encore.
Mais je ne voyais pas le drame dans ce tableau, simplement la détresse d'un enfant devant une grosse fièvre. Vrai que chaque fois on se sent démunis et qu'on ne peut, outre les soins bien sur, que le cajoler un peu pour faire comme si on partageait
Rédigé par : brigetoun | 06 juillet 2007 à 12:16
Pfiou ! terrible !
Moi non plus je n'avais pas vu (ou voulu voir) la mort de cet enfant ...regardes il va mieux puisqu'il n'est pas dans son lit , un petit peu mieux... d'ailleurs la femme qui le porte sur ses genoux ne sourit t'elle pas ? et le visage de l'enfant est partagé en deux : à gauche (notre gauche ) il regarde en bas en effet et ne va pas bien mais à droite ( notre droite) ça va un peu mieux...non ? mouais !?
biz Tiago
Rédigé par : Pam | 07 juillet 2007 à 01:03
Amusant que vous ne suivez pas son regard vers la mort. Parce qu'il s'agit d'une enfant et que la mort d'un enfant est terrible ... ?
Rédigé par : Guess Who | 07 juillet 2007 à 07:25
Mais oui et que nous sommes des femmes ?! mais franchement si un enfant est "mourant" on le laisse tranquille dans son lit, on ne le prend pas sur les genoux avec le sourire ... ou alors on est ... sadique ...?! non ?
Dis Tiago, tu as supprimé sur la colonne de gauche la liste des commentaires récents ce qui nous "oblige" à chaque visite
de cliquer sur les notes pour voir s'il y a de nouveaux commentaires alors que si l'on avait cette liste on irait au bon endroit directement ... mais c'est peut être voulu de ta part ?
kisses
Rédigé par : Pam | 07 juillet 2007 à 09:59
Le couloir de la mort...
N'est pas très loin,
Le regard de cet enfant
On le sent perdu...
Pas de pensées,
Et puis la couleur de sa peau
Est d'un ton si grisâtre...
La mort s'approche,
Mais l'enfant est apaisé,
Il s'endormira
D'un long sommeil!
J'ai l'impression que c'est la premiére fois que je visite ce musée... tellement tes notes sont si vivantes!
Um grande abraço Tiago
Rédigé par : Cristina M | 07 juillet 2007 à 15:32
forte émotion... Un jour j'irai à Amsterdam et je penserai à toi et à tes billets qui parlent si bien de cette ville. Doux week end Tiago !
Rédigé par : marie.l | 07 juillet 2007 à 16:07
En découvrant cette peinture je ne sais pourquoi mais j'ai immédiatement pensé au livre de Zola "Une page d'amour".
Florentine.
Rédigé par : Florentine | 07 juillet 2007 à 16:19
Merci de m'avoir guidé sur le pont de Van Gogh, j'ai ainsi pu découvrir l'artiste japonnais Hiroshige. Quel voyage!
Ce portrait d'enfant malade se rapproche, par son réalisme, des portraits que j'ai regardé de J.E. Murillo,peintre espagnol du XVII°.
Ses portraits d'enfants des rues sont saisissants.
Rédigé par : sylvie | 08 juillet 2007 à 19:57
et si la femme
un jour porte la vie
la mère devenue
peut porter la mort
pour accompagner
le petits souffle
jusqu au dernier
et à mon sens, l être qui n a pas demandé à vivre par le ventre de sa mère, se doit de trouver la toute dernière chaleur avant le froid de la mort...
Rédigé par : annick | 08 juillet 2007 à 21:52
* Pam : tes désirs sont des ordres, j'avais tout bêtement oublié de mettre la liste des commentaires récents en ligne ...
* Cristina M : hehe, et pourtant tu le connais bien ce musée, on y allait tous les ans !
* Marie.l : ne laisse pas pour demain ce que tu peux faire de suite... pars à Amsterdam !
* Florentine : Tiens, faudra que je relise "Une page d'amour" pour essayer de trouver l'association d'idées.
* Sylvie : Merci pour votre visite et content de vous avoir fait connaître Hiroshige par van Gogh interposé
* Annick : très beau ton poème et cette idée que l'enfant se doit d'avoir une dernière chaleur maternelle de sa mère avant de mourir me plaît beaucoup.
Rédigé par : Guess Who | 09 juillet 2007 à 06:49